Entretien réalisé par Etienne Krieger le 15 janvier 2021

Si Morgane Soulier est une orfèvre de la communication digitale, elle affiche cependant un grand détachement par rapport au flot de contenus que charrie la Toile. Cette ataraxie numérique la rend nettement moins dépendante des réseaux sociaux que toutes ces personnes qui mesurent leur influence à l’aune de leur nombre de « followers ». Drôle d’époque que la nôtre, où l’ostentation et l’immédiateté prennent souvent le pas sur la réflexion et la contemplation. Afin d’infléchir l’aphorisme selon lequel l’homme creuse sa tombe avec ses dents, Morgane entreprend de nous réconcilier avec notre alimentation en capitalisant sur sa dextérité digitale. Passionnée par les dispositifs de santé numérique appliqués à l’alimentation, elle a en effet développé en quelques mois une application innovante ainsi qu’une impressionnante communauté d’experts et de patients. Quand la technologie permet de se reconnecter à ses sensations corporelles et à ses émotions pour manger ce dont on a réellement besoin, cela donne une application élégante et limpide qui n’impose rien mais qui permet de partager des bonnes pratiques et mieux dialoguer avec son médecin. On retrouve dans cette innovation écosystémique le goût de Morgane pour les tableaux impressionnistes.

Bonne lecture !

If Morgane Soulier is a digital communication virtuoso, she nevertheless displays a great detachment from the flood of content that the Internet carries. This digital serenity makes her much less dependent on social networks than all those individuals who measure their influence by the number of their followers. Our era is quite peculiar, where ostentation and immediacy often prevail over reflection and contemplation. In order to modify the aphorism that ‘man digs his own grave with his teeth,’ Morgane undertakes to reconcile us with our nutrition by capitalizing on her digital skills. Passionate about digital health devices applied to nutrition, she has indeed developed an innovative application and an impressive community of experts and patients in just a few months. When technology allows us to reconnect with our bodily sensations and emotions to eat what we truly need, it results in an elegant and clear application that imposes nothing but enables the sharing of good practices and better communication with one’s doctor. In this ecosystemic innovation, we find Morgane’s taste for impressionist paintings.

Happy reading!

eK

Votre parcours et votre activité actuelle

Je suis diplômée de l’EM Lyon et j’ai eu la chance de participer en 2019 au programme HEC Challenge + qui accompagne chaque année de jeunes entrepreneurs entre autres dans la définition de leur stratégie d’expansion.

J’ai commencé ma vie professionnelle au sein du groupe Orange, que j’ai rejoint via son Graduate Programme à l’obtention de mon diplôme de l’EM Lyon.
Le Graduate Programme offre à ses recrutés de développer des compétences sur plusieurs postes à dimension managériale (directe ou transverse).

Cette première expérience m’a donc permis d’acquérir les connaissances nécessaires au pilotage de projets à dimension internationale, avec un focus spécifique sur mes sujets de prédilections : le numérique et plus spécifiquement la communication digitale. En effet, j’ai notamment créé et animé la toute première page Facebook d’Orange (en 2009), ce qui m’a permis de me familiariser avec les premières fonctionnalités de ce réseau à l’époque naissant.

En 2016, j’ai décidé de créer une agence de conseils en communication digitale, via laquelle j’ai pu accompagner divers acteurs du retail ou de la grande distribution à rayonner sur les réseaux sociaux.

En 2018, confrontée à un parcours de soin personnel fastidieux et convaincue des atouts que pouvait apporter le numérique pour mieux soigner les maladies chroniques, j’ai lancé feeleat, un écosystème en santé numérique dédié aux personnes qui souffrent de troubles alimentaires.

Ce lancement s’est fait en rassemblant une large communauté de patients et professionnels de santé via les réseaux sociaux.

Deux ans après sa création, feeleat est devenu un véritable media proposant aux personnes dans le besoin une application reliée à une interface médicale, ainsi qu’un site, un podcast et un magazine dans lequel nos lecteurs y trouvent à la fois des informations pédagogiques et scientifiques, des interviews de professionnels de santé et des témoignages des personnes qui rencontrent les mêmes difficultés qu’eux.

En quelques mois, nous avons déjà interagi avec plus de 4 millions de personnes.

L’art, la science, l’innovation et vous

Science et innovation sont évidemment indissociables en matière de santé connectée.

Si je ne suis ni médecin ni scientifique, j’ai à cœur de comprendre les enjeux, contraintes et avancées sanitaires pour apporter à la communauté feeleat les informations dont elle a besoin pour elle-même comprendre sa situation.

Grâce au podcast et au blog que j’anime, j’ai la chance d’interviewer régulièrement des professionnels de santé, psychiatres, chercheurs, sociologues aussi inspirants que pédagogues qui m’éclairent et m’inspirent. Ces scientifiques sont pour la plupart d’ailleurs eux-mêmes tournés vers l’innovation et il est de plus en plus courant que les jeunes diplômés scientifiques d’aujourd’hui travaillent sur des sujets d’innovation dans l’objectif de façonner les avancées en matière de recherche et in fine la médecine ou les usages de demain.

En matière d’art, j’ai tendance à penser qu’art, innovation et science font partie d’un ensemble également indissociable et que tout savant, sachant ou chercheur est un artiste qui met sa créativité au service de la science.

Les œuvres qui vous parlent

Trois œuvres musicales

Difficile de n’en choisir que trois tant la musique m’accompagne au quotidien, et sous différents styles : musique française, rock, variété, jazz, actuelle ou musique de légende. Vous trouverez dans ma playlist un éclectisme sans pareil associant du Goldman à du Nina Simone, du NTM à du Pavarotti, du Louane à du Supertramp.

Mais comme il faut en garder que trois…

  • L’Ave Maria de Schubert, sous presque toutes ses versions

Je ne suis pas croyante, je n’ai pas la foi, mais l’Ave Maria est une œuvre que je peux écouter à l’envi, et qui me touche particulièrement, sans être à même d’expliquer pourquoi.

Que ce soit l’œuvre initiale de Schubert, ou sa version revisitée par Pavarotti, et même celle de Beyoncé (que je viens du coup de mettre pour écrire ces quelques lignes !), ce morceau me procure malgré lui une forte émotion, à la fois apaisante et inspirante.

Je ne connaissais que très peu l’histoire de Freddie Mercury avant le film qui l’a mis en lumière en 2018.

Je suis sortie de la salle chamboulée et marquée par la résilience, la pugnacité et la force de cet homme aussi torturé que talentueux.

Brillante scène d’ouverture de ce film si poétique.

Trois œuvres littéraires

  • La part de l’autre (Eric Emmanuel Schmidt)
  • Histoire d’une femme libre (Françoise Giroud)
  • Devenir (Michelle Obama)

Autres types de créations

Le covid met à mal deux de mes loisirs principaux puisque je suis une vraie passionnée de cinéma et de peinture avec une préférence pour l’art impressionniste.

En peinture, sans rien connaître des techniques professionnelles des artistes, je suis particulièrement sensible à toutes les œuvres qui appellent à la projection. Un tableau de Monet particulièrement coloré dans lequel on pourrait parfaitement imaginer se glisser, une toile de Caillebotte qui pourrait être actuelle.

En matière de cinéma, je suis très peu sensible aux films un peu trop conceptuels / intello prises de tête réservés soi-disant à une certaine élite.

Le cinéma est fait pour se divertir, pour rire, pour réfléchir aussi parfois, pour véhiculer des messages sur la société mais encore faut-il que chacun n’ait pas à chercher à décrypter le message subliminal envoyé par le scénariste.

Si je devais établir un top 5 des films que je peux revoir à l’envi : Retour vers le futur (oui… j’assume et j’adore !), Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Lalaland et Bohemian Rhapsody dont j’ai parlé ci-dessus, la vie de David Gale.
Parmi les films français, je citerai Mon roi et plus récemment Les misérables.

Cette liste est évidemment non exhaustive…

Je suis aussi une grande fan de séries. J’ai grandi avec Friends, puis avec Alias ou Sex & the city, et j’ai continué à apprécier passer mes soirées devant la touchante série This is Us, le suspens de la série How to get away with Murder, les tribulations des agents de Dix pour cent, ou la perversité de Succession.

Trois clichés personnels

Étonnante pose de zèbres amoureux pris en Tanzanie en 2002… Ce cliché est aussi apaisant qu’étonnant.

J’aime particulièrement cette photo aux détails saisissant des gouttes d’eau sur les pétales de camélia si bien dessinées qu’on pourrait penser à une fausse fleur… pourtant belle et bien véritablement plantée dans mon jardin !

Un orage qui se prépare en une fin de journée d’août dans le jardin de mes parents près de Lyon… Vertigineux.

Grands défis et propositions

Difficile de citer tous les enjeux et défis sociétaux actuels et futurs… qu’ils soient écologiques, politiques, sanitaires.

La seule certitude que j’ai est le danger que peuvent provoquer les minorités sectaires et ultra engagées pour des causes, parfois justifiées, mais souvent exacerbées, et qui provoquent chez certaines personnes vulnérables une perte de repères qui peut les mettre en difficultés.

Je pense aux ultra féministes, aux ultra radicaux sur tous les sujets de société, aux végan ou autres militants de la cause animale (je m’excuse par avance pour ceux qui liront ces mots et qui pourraient se sentir froissés), à tous les excès religieux, …, à nouveau minoritaires, mais au pouvoir de nuisance et de discorde sans fond.