Entretien réalisé par Etienne Krieger le 13 mars 2021

Les scénarios de cinéma et de prospective allient tous deux rigueur et créativité. Thomas Paris montre que l’on peut faire la synthèse de la création artistique et du management avec brio, un peu comme un auteur-compositeur-interprète qui excellerait sur tous les tableaux. Le blog photographique de Thomas est autant le reflet de son imagination foisonnante qu’une invitation au voyage. J’ai la chance de côtoyer Thomas sur le campus d’HEC et son humour est la marque de fabrique de ces enseignants qui n’ont rien à prouver et qui sont aux antipodes des dogmes culturels ou managériaux. Thomas est à la fois un chercheur et un passeur, à HEC et à l’École de Paris du Management, une structure qui foisonne de Polytechniciens et d’ingénieurs des Mines qui cultivent, comme lui, l’humanisme et l’ironie socratique. Entre le Plateau de Saclay et les Jardins du Luxembourg, tous les ingrédients sont réunis pour que Thomas franchisse un jour le pas de la réalisation cinématographique et/ou de la production multimédia.

Bonne lecture !

Cinema and foresight scenarios both combine rigor and creativity. Thomas Paris demonstrates that one can master the synthesis of artistic creation and management with brilliance, much like a singer-songwriter excelling in all aspects. Thomas’s photographic blog is not only a reflection of his abundant imagination but also an invitation to travel. I am fortunate to interact with Thomas on the HEC campus, and his humor is the hallmark of teachers who have nothing to prove and who are far from cultural or managerial dogmas. Thomas is both a researcher and a mediator at HEC and the École de Paris du Management, a structure teeming with Polytechnicians and engineers from Mines who, like him, cultivate humanism and Socratic irony. Between the Plateau de Saclay and the Jardins du Luxembourg, all the ingredients are gathered for Thomas to eventually take the step towards filmmaking and/or multimedia production.

Enjoy your reading!

eK

Votre parcours et votre activité actuelle

Tout petit déjà…

Je n’ai réalisé que récemment que j’ai toujours eu deux passions, et que je les marie quotidiennement dans mon activité : la création et l’organisation. J’ai écrit des poèmes à 6 ans, un début de roman avant 10 ans, conçu des jeux vidéo sur Laser200 à 14 ans, réécrit les Fables de la Fontaine (avec mon frère) à 15 ans, tourné des films à 17 ans… En même temps que je montais des expositions (pour mes grands-parents), créais une banque (qui abritait notre argent de poche, à mes frères et à moi), organisais des matches de foot et des tournois de tennis.

A 14 ans, en voyant Citizen Kane, j’ai décidé que je ferais du cinéma. Mais j’ai « fait des études avant », parce que ma mère me le demandait, parce que la FEMIS ne recrutait qu’à Bac+3 et parce que je n’étais pas du genre à faire une grande embardée brutale. J’ai fait une prépa à Besançon et je suis rentré à Polytechnique. A la sortie, je voulais toujours faire du cinéma, et je me suis engagé en doctorat de gestion pour me rapprocher de ce secteur, pour avoir du temps pour développer des scénarios, et parce que la recherche en gestion telle qu’elle était pratiquée au CRG (Centre de recherche en gestion de l’Ecole polytechnique) me convenait parfaitement : un pied dans le concret, un pied dans la réflexion.

J’ai fait une thèse sur le droit d’auteur, j’ai pris goût à la recherche, je me suis passionné pour les problématiques de gestion dans les secteurs de la création. Aujourd’hui, je suis chercheur au CNRS sur ces questions, et professeur affilié à HEC où j’enseigne ce sur quoi je mène des recherches. Et je dirige le M2/Mastère spécialisé MAC (Média, Art & Création) d’HEC, avec beaucoup de bonheur.

L’art, la science, l’innovation et vous

Étant au CNRS, je suis un scientifique. L’art et l’innovation sont les objets principaux de mes travaux de recherche. Avec le temps, j’ai pu découvrir que j’étais un véritable chercheur, au sens où je me passionne sans cesse pour de nouvelles questions, qui mettent toujours en relation action et réflexion. Comment fait-on… ? Comment résoudre… ? L’art et l’innovation marient ce qui me semble être les deux manifestations les plus sublimes de notre humanité : la création et l’organisation.

La recherche et la science me nourrissent. Elles n’assouvissent pas complètement mon besoin de création. Je ne fais toujours pas de cinéma, mais en attendant, je fais un peu de photo et j’écris. J’ai eu le bonheur de publier trois romans, et je continue à écrire chaque été.

Les œuvres qui vous parlent

Trois œuvres musicales

J’ai pratiqué plusieurs formes de création. La musique est la seule dans laquelle je me sens impuissant, et c’est celle qui me touche le plus. Je suis éclectique, mais avec un net penchant pour le rock et la pop. Neil Young, Tom Waits, Nick Cave, The Pogues sont tout en haut de mon Panthéon. S’il fallait citer trois titres, je mettrais en avant Dirty Old Town des Pogues, Sultans of swing de Dire Straits et un titre de Neil Young tiré d’Harvest. Plus quelques Rolling Stones et des chansons plus planantes à chercher chez Leonard Cohen ou Donovan. Et des musiques dites du monde, de la chanson française, un peu de dance aussi quand elle est entraînante. Jerusalema est mon dernier grand coup de cœur.

Trois œuvres littéraires

Je suis plutôt difficile. Je n’ai eu que trois passions dans ma vie de lecteur, des auteurs dont j’ai eu envie de lire toute l’œuvre. D’abord Enid Blyton, avec Oui-Oui, puis Borgès et aujourd’hui, depuis longtemps maintenant, Romain Gary. À côté de cela, j’aime beaucoup Astérix, j’ai relu récemment Des souris et des hommes, qui m’a donné envie de relire Steinbeck et ai apprécié plusieurs livres d’un auteur américain très glauque, David Vann.

Autres types de créations

Ma passion première est le cinéma. J’aime bien dire que j’aime Tarkovski, dont j’ai vu tous les films, mais je crois que je n’ai jamais réussi à en voir un sans m’endormir, à part l’Enfance d’Ivan. Mais ça ne remet rien en cause, j’aime Tarkovski. J’ai essayé de m’endormir dans les films de David Lynch et on n’y arrive pas, c’est insupportable. C’est donc une vraie vertu. Tarkovski mis à part, les films que je peux voir et revoir sont Il était une fois en Amérique de Leone (et les autres Leone) et La Porte du paradis de Cimino (et Voyage au bout de l’enfer). La trilogie du Parrain aussi. Et quelques comédies, les Bronzés et le Père-Noël est une ordure, comme tout le monde, les films de Pierre Richard que j’aime énormément.

J’ai découvert les séries tardivement, et n’en consomme que modérément. J’ai adoré Mad Men, Six Feet Under, The Soprano et Breaking Bad, et quelques séries efficaces comme Homeland.

Et j’aime beaucoup la peinture, je m’intéresse de plus en plus à l’architecture. Je connais moins le théâtre, l’opéra et la danse, mais j’ai encore du temps.

Et je suis aussi capable de m’enflammer négativement pour beaucoup d’œuvres musicales, cinématographiques, littéraires… Je n’en citerai aucune.

Trois clichés personnels

Un des genres de photos que j’aime bien faire, des photos très épurées avec des couleurs. Celle-ci a été prise à l’île d’Oléron.

J’aime aussi jouer avec l’ordre et le désordre, les géométries qui se font et se défont spontanément, les moments fugaces où les choses s’alignent… et l’humour qui se cache partout dans le monde.

Celle-ci a été prise à Vancouver.

Et celle-là dans les Alpes.

J’ai fini par mettre quelques-unes de mes photos sur un blog : https://thomasparisphotos.wordpress.com/

Grands défis et propositions

Je travaille actuellement sur deux beaux projets, l’un pour essayer de contribuer à la dynamisation et la visibilité des industries créatives en France, l’autre pour accélérer la compréhension que nous pouvons avoir d’un monde qui tiendrait compte de la limitation des ressources. Le premier est développé avec HEC et des écoles de création, l’autre avec une association, l’École de Paris du management, et une petite équipe très volontaire qui grandit petit à petit.