Entretien réalisé par Etienne Krieger le 31 mars 2021

Louis Lalanne fait partie de ces étudiants pour qui l’entrepreneuriat est une manière logique de faire la synthèse entre passion, mission, profession et vocation. A tel point qu’il a posé les premières pierres de son entreprise Meet My Mentor dès sa scolarité sur le campus HEC. Pour Louis, l’innovation est, comme l’art, un anti-destin, une extension de la maxime d’André Malraux au champ économique et social. C’est le risque assumé de s’affranchir des conventions pour « laisser des traces séculaires ». L’humanisme n’est jamais très loin des initiatives de Louis Lalanne, qui ambitionne de diffuser des connaissances et de relier les porteurs de projet à des mentors expérimentés. Son parti-pris pour l’action est nourri par un goût immodéré pour les œuvres musicales et/ou théâtrales, aux vertus d’autant plus cathartiques qu’elles sont le reflet des tourments de leurs auteurs, de Jean Anouilh à Beckett en passant par Ravel et Rachmaninov. Entre la création artistique, l’entrepreneuriat et la politique, quelle activité l’emportera ? Sans doute les trois à la fois. La synthèse d’Orphée, de Créon et d’Antigone. Ou, pour paraphraser Paul Thiry d’Holbach, le parti-pris de la raison, équilibre des passions.

Bonne lecture !

Louis Lalanne is one of those students for whom entrepreneurship is a logical way to synthesize passion, mission, profession, and vocation. To such an extent that he laid the foundation for his company, Meet My Mentor, during his time at HEC campus. For Louis, innovation is, like art, an anti-destiny, an extension of André Malraux’s maxim into the economic and social sphere. It is the risk taken to break free from conventions and « leave secular traces. » Humanism is never far from Louis Lalanne’s initiatives, as he aspires to disseminate knowledge and connect project bearers with experienced mentors. His commitment to action is fueled by an insatiable taste for musical and/or theatrical works, whose cathartic virtues reflect the torment of their authors, from Jean Anouilh to Beckett, Ravel, and Rachmaninov. Among artistic creation, entrepreneurship, and politics, which activity will prevail? Probably all three at once. The synthesis of Orpheus, Creon, and Antigone. Or, to paraphrase Paul Thiry d’Holbach, the commitment to reason, the balance of passions.

Enjoy your reading!

eK

Votre parcours et votre activité actuelle

J’ai un parcours à la fois classique et éclectique. A l’origine intéressé par les affaires publiques, j’ai étudié à Sciences Po Paris après le Bac. Je me suis ensuite découvert une passion pour l’entrepreneuriat et j’ai suivi le double diplôme avec HEC. J’ai également poursuivi un échange universitaire d’un an à l’Institut des relations internationales de Moscou en raison d’un tropisme pour les cultures et les langues étrangères, et effectué un stage chez HP à Johannesburg, sous la direction d’Elisabeth Moreno pour qui j’éprouve une immense admiration.

En parallèle de mes études, j’ai fondé plusieurs associations qui organisaient des rencontres avec des dirigeants, dont Newpolis, un forum numérique qui rassemblait 300 étudiants de grandes universités mondiales. Nous avons eu la chance d’interviewer plusieurs Chefs d’État et de gouvernement, des dirigeants du CAC40 et des diplomates de renom comme Bernard Cazeneuve, Emmanuel Faber, le Prix Nobel de la paix Mohamed El-Baradei, Elisabeth Moreno et Tony Blinken, le nouveau chef de la diplomatie américaine depuis l’élection de Joe Biden.

En décembre 2020, à la fin de mes études, j’ai lancé Meet My Mentor, une plateforme d’éducation en ligne et de mentorat pour les étudiants et jeunes professionnels. 

L’art, la science, l’innovation et vous

Je suis un passionné d’innovation et de création. Selon moi, la création constitue la quintessence de notre condition humaine : elle est le reflet de nos émotions, aspirations et rêves les plus fous. Aussi, j’éprouve une grande admiration pour toutes les réussites artistiques, culturelles ou économiques qui ont su innover et casser les codes.

Quels sont les points communs entre un compositeur comme Claude Debussy, un scientifique comme Alan Turing et un entrepreneur comme Elon Musk ? Tous ont été des visionnaires et ont laissé (ou vont laisser) des traces séculaires. La plupart d’ailleurs ont été conspués par leurs contemporains et considérés comme des marginaux, avant d’être acceptés et reconnus.

Je suis admiratif des esprits libres, innovants et dotés d’une forte culture. Georges Pompidou incarne, selon moi, cette symbiose entre modernité et connaissance des lettres classiques, au service d’une vision politique forte.

Les œuvres qui vous parlent

Trois œuvres musicales

  • Concerto n 3 (Rachmaninov), interprété par Daniil Trifonov : LIEN
  • Round Midnight (Thelonious Monk): LIEN
  • Symphonie n°5 (Mahler), sous la direction de Karajan : LIEN.

Trois œuvres littéraires

  • Antigone (Jean Anouilh)
  • 1984 (George Orwell)
  • Lettres, notes et portraits (Georges Pompidou).

Autres types de créations

Je suis avant tout un mélomane. J’apprécie tous les registres de musique : classique, jazz, soul, pop, rap…. Je suis un fervent admirateur de Debussy et Rachmaninov. Le premier est, à mon sens, le compositeur moderne le plus innovant et sensible. L’œuvre de Rachmaninov, reflet de sa personnalité angoissée, me touche particulièrement : ses œuvres pour piano sont des chefs d’œuvre et prennent toute leur force lorsqu’elles sont interprétées par des pianistes russes comme Nikolai Luganky, Danniil Trifonov, Evgeny Kissin, Horowitz ou Richter. J’aime beaucoup la musique française du début du XXème, Debussy, Ravel et Satie, empreints d’une élégance à la française. Je suis de plus en plus sensible à l’œuvre de Bach qui a amené le contrepoint à un niveau inégalé : les variations de Goldberg interprétées par Glenn Gould (1981) sont un trésor musical, créant une harmonie entre la musique et le rythme mathématique. Enfin, les symphonies de Mahler et de Chostakovitch recèlent d’une puissance extraordinaire.

Je suis un amateur de jazz, en particulier des standards d’Armstrong, de Fitzgerald, Sinatra, Nina Simone ou Ray Charles, ou de groupes contemporains comme le trio Delvon Lamarr. Thelonious Monk, Miles Davis et Gershwin font également partie de mes playlists habituelles. J’ai découvert le rap plus récemment et j’apprécie des artistes comme Lefa ou Damso, qui font preuve d’une sensibilité musicale profonde.

Outre la musique, je suis fasciné par les créations architecturales, puissants legs de l’histoire, comme l’Alhambra en Espagne, le Régistan à Samarcande et la Cathédrale Saint Basile-le-Bienheureux sur la Place Rouge. Toutes sont magistrales et incarnent la grandeur de l’Homme, capable du pire, mais aussi du meilleur… La Synagogue de Florence est l’œuvre qui m’a le plus touché, en raison de ses parois internes recouvertes d’envoûtantes arabesques.

Je ne suis pas un grand amateur de peinture et de sculpture. À l’exception de certaines œuvres comme le Cri du Munch, je suis rarement touché comme avec la musique. J’apprécie en revanche les œuvres surréalistes, dotées d’un sens politique et empreintes d’ironie sur le monde qui les entoure. La photographie me touche davantage, en raison de son acuité sur le monde contemporain. Des photographies célèbres, comme celle de Nick Ut pendant la Guerre du Vietnam, me touchent profondément.

J’aime la littérature, même si je dois avouer lire plus de livres d’histoire que de romans. Mes passions pour l’histoire et la politique ne sont jamais très loin !  Le théâtre politique du XXème me plaît, tout comme les œuvres de l’absurde comme Rhinocéros de Ionesco ou En Attendant Godot de Beckett.

Trois clichés personnels

Le Régistan, somptueuse création architecturale de Samarcande que j’ai photographiée lors de mon voyage en Ouzbékistan. Il m’évoque la grandeur, la permanence et la richesse de chaque civilisation.

Un paysage capturé du haut de Table Mountain, à Cape Town. Il m’évoque la beauté de l’existence et la puissance de nos rêves.


Le feu sacré du Musée de la Victoire à Moscou, symbole des horreurs du XXe siècle, mais aussi de la renaissance perpétuelle. Sa sobriété et sa puissance me touchent.

Grands défis et propositions

3 défis me tiennent particulièrement à cœur :

  • L’éducation : « l’éducation est l’arme la plus puissante pour transformer le monde » disait Mandela.
  • La cause animale : je suis un ardent défenseur de la cause animale. La moindre souffrance animale me révolte.
  • La promotion de l’entrepreneuriat en France : je suis convaincu que la France dispose d’un immense potentiel entrepreneurial qui n’est pas suffisamment exploité, en raison d’une aversion pour l’échec comme pour la réussite.