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Cet article met en avant les caractéristiques distinctives des startups, telles que leur capacité à innover, leur agilité stratégique et leur rapidité d’exécution. Les entrepreneurs à succès soulignent l’énorme charge de travail personnelle requise pour faire décoller une startup et la nécessité pour eux de ne pas devenir un goulet d’étranglement décisionnel. Ceci questionne la viabilité à long terme du sur-travail préconisé par Elon Musk et souligne la nécessité de déléguer progressivement des activités managériales afin de de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
E. Krieger
Article publié dans Les Echos Start: Krieger E. (2024), « Entrepreneurs, pour supplanter vos concurrents, devez-vous travailler deux fois plus qu’eux ?», Les Echos Start, 22/02/2024 : https://start.lesechos.fr/innovations-startups/entreprendre/entrepreneurs-pour-supplanter-vos-concurrents-devez-vous-travailler-deux-fois-plus-queux-2077878
Les startups se distinguent des entreprises traditionnelles à la fois par leur capacité à innover radicalement, par leur agilité stratégique et par leur vitesse d’exécution. Cette accélération considérable dès la création de l’entreprise requiert des capitaux abondants qu’un développement en autofinancement n’est généralement pas à même de fournir.
Parmi les startups emblématiques rapidement devenues des groupes industriels, on peut citer :
- SpaceX : créée par Elon Musk, cette entreprise a bouleversé l’industrie spatiale en développant les premiers lanceurs réutilisables.
- Airbnb : cette plateforme de location de logements a connu une croissance rapide au point de devenir une entreprise mondiale en l’espace de dix ans.
- Zoom Video Communications : cet éditeur de logiciels de visioconférence a conquis une audience massive lors de la pandémie de Covid-19 du fait de sa facilité d’utilisation et de déploiement.
Mais l’argent et la qualité de la proposition de valeur ne sont pas les seuls ingrédients du succès.
Travailler plus pour réduire les goulets d’étranglement
On mesure souvent mal la quantité de travail requise pour lancer une entreprise innovante en mode hypercroissance.
J’ai côtoyé de dizaines d’entrepreneurs emblématiques et, par-delà leurs propositions de valeur et des modèles économiques très qualitatifs, leurs témoignages soulignent vers une énorme charge de travail pour les fondateurs. Ce travail hors normes est en effet nécessaire pour faire décoller la startup alors que 90% de ces entreprises échouent en l’espace de cinq ans.
Pierre Kosciusko-Morizet, cofondateur de PriceMinister s’était entouré d’associés brillants pour développer une startup vendue 200 M€ dix ans après sa création au groupe Rakuten. Pour autant, il soulignait la nécessité de répondre rapidement à un grand nombre de sollicitations qui requièrent l’arbitrage du CEO, faute de quoi beaucoup de chantiers stratégiques risquent de prendre du retard.
L’enjeu managérial est ainsi de ne pas devenir un goulet d’étranglement décisionnel qui ralentirait le développement de l’entreprise.
La solution d’Elon Musk pour supplanter ses concurrents
Elon Musk incarne cet impératif de « sur-travail » davantage que la plupart des entrepreneurs. Dans une interview célèbre où une journaliste lui demande 3 conseils pour se lancer, il préconise en substance :
- De développer une offre présentant une valeur considérable aux yeux des clients et utilisateurs.
- D’être extrêmement tenace.
- De travailler comme un forcené – « Work like Hell » –.
Elon Musk concluait : « Si d’autres personnes travaillent 40 heures par semaine et que vous travaillez 100 heures par semaine, même si vous faites la même chose, vous réaliserez en 4 mois ce qu’ils mettront un an à réaliser ».
Le stakhanovisme entrepreneurial est-il soutenable ?
C’est imparable mais est-ce tenable dans la durée ? En supposant que vous parveniez à préserver une journée par semaine, cela ferait des journées de 17 heures, ce qui ne laisse plus guère de temps pour une vie sociale en dehors de votre travail qui absorbera ainsi l’essentiel de votre vie.
Ces horaires extrêmes s’expliquent sans doute par l’implication d’Elon Musk dans le développement simultané de plusieurs startups d’envergure mondiale. Pour autant, beaucoup d’entrepreneurs affirment qu’ils travaillent « jusqu’à une heure du matin » voire davantage. Lorsqu’on a soi-même l’impression d’avoir de longues journées de travail, cela rend modeste.
Le fondateur et dirigeant d’une startup très prospère et cotée en bourse nous confiait ainsi « être embolisé » par son entreprise, dont le développement l’absorbait y compris le week-end.
Travailler plus… ou déléguer davantage
Pour autant, beaucoup d’entrepreneurs à succès parviennent progressivement à s’organiser afin de ne pas sacrifier leur vie familiale et sociale voire leur santé dans cette forme avancée de stakhanovisme entrepreneurial.
Une telle évolution est possible grâce à la mise en place de délégations de responsabilités au fur et à mesure du développement de l’entreprise. Ceci faisait dire à Antoine Riboud, le fondateur de Danone, qu’il était plus facile de diriger une entreprise de 500 personnes qu’une PME de 50 personnes.
Encore faut-il arriver à cette taille, qui ne concerne que quelques dizaines de milliers d’entreprises sur les plus de 30 millions d’entreprises européennes, parmi lesquelles les startups et autres entreprises de croissance ne représentent qu’une fraction.
On a pu observer cette évolution auprès d’entrepreneurs aussi emblématiques que les fondateurs du Groupe Point Vision ou de Big Mamma Group, parvenus respectivement à 1300 et 2500 collaborateurs en l’espace ce dix ans avant une cession pour plusieurs centaines de millions d’Euros.
Entreprendre sans se consumer
Elon Musk n’a pas tort dans sa préconisation de travailler comme un damné pour développer une entreprise d’exception mais il faut savoir raison garder en matière de d’équilibre entre sa vie professionnelle, si palpitante fût-elle, et sa vie privée, faute de quoi l’addition risque d’être salée pour vous ou votre entourage, quand bien même vous auriez fait fortune.
Changer le monde sans se consumer prématurément à cette tâche prométhéenne : tel est l’enjeu.
