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Cet article questionne plusieurs doctrines entrepreneuriales au travers d’exemples qui vont à l’encontre des normes. Ainsi, certains entrepreneurs à succès s’associent sans projet précis, ne se consacrent pas à plein temps à leur startup, développent simultanément plusieurs startups ou font davantage confiance à leur instinct qu’aux études de marché. Le succès dépend de multiples facteurs et chaque situation est spécifique, ce qui nécessite d’analyser le contexte et de clarifier vos objectifs personnels et professionnels avant de prendre des décisions cruciales.

E. Krieger

Article paru dans Les Echos Start : https://start.lesechos.fr/innovations-startups/entreprendre/entrepreneurs-et-si-vous-faisiez-le-contraire-de-ce-que-preconisent-les-ecoles-de-commerce-2084467

Et si certains entrepreneurs réussissaient en prenant le contrepied de ce que préconisent les écoles de commerce ?

Il y a près de 40 ans, l’homme d’affaires Mark McCormack publiait « Tout ce que vous n’apprendrez jamais à Harvard ». Cet ouvrage donne des conseils basés sur son expérience concrète et aborde divers aspects du monde des affaires : négociation, communication, prise de décision, gestion du temps et des personnes… McCormack souligne l’importance des compétences interpersonnelles et de la compréhension des dynamiques humaines.

Cet ouvrage a connu un grand succès. Critiquer au risque de caricaturer est souvent un bon moyen de « faire du chiffre » alors même que le cursus des business schools fait la part belle au terrain et aux aspects humains et sociaux du management.

Pour autant, si on se focalise sur l’univers des startups, il s’est développé un corpus de « bonnes pratiques » en matière de création, de financement et de développement de ces entreprises. Ce corpus sanctuarise une série de rites, de mythes et de tabous qu’il est utile de questionner afin de battre en brèche l’illusion d’une recette universelle du succès.

Les exemples ci-après ne sont pas destinés à promouvoir un relativisme intégral mais ils analysent des pratiques hétérodoxes et incitent à la modestie en matière de pédagogie de l’entrepreneuriat.

S’associer sans avoir de projet précis

Notre premier totem entrepreneurial est lié à l’équipe, puisque la plupart des startups sont créées par des associés aux compétences et aux tempéraments complémentaires. Créer une startup à plusieurs requiert l’identification d’une opportunité de business et une importante préparation collective.

Pour autant, certains entrepreneurs s’associent simplement parce qu’ils ont envie de « créer une boîte ensemble », même si l’opportunité n’est pas encore définie. Ce fut le cas pour Victor Lugger et Tigrane Seydoux, cofondateurs du Groupe Big Mamma puis de la fintech Sunday. L’envie de créer une entreprise avec un associé exceptionnel fut le motif principal de la création de ces deux entreprises.

Ne pas se consacrer à plein temps à sa startup

Une autre doctrine entrepreneuriale insiste sur la nécessité de vous dédier à plein temps à votre projet d’entreprise, ce qui vous condamne a priori à ne pas pouvoir lancer de startup durant vos études. Si vous êtes encore étudiant, la quantité de travail requise pour lancer une startup entre en effet en collision frontale avec votre cursus académique. Vous risquez même de ne pas obtenir votre diplôme, qui demeure un vade-mecum en matière de qualification et d’accès à certains réseaux professionnels.

Il sera difficile de lever des capitaux pendant cette phase de gestation mais plusieurs étudiants réussissent l’exploit de mener de pair leurs études avec le développement de leur startup. Ce fut le cas de Mark Zuckerberg, alors étudiant à Harvard et cofondateur de Facebook et de Mehdi Cornilliet, diplômé d’HEC Paris et cofondateur pendant ses études du groupe média 2Empower.

Développer simultanément plusieurs startups

La doxa entrepreneuriale stipule par ailleurs qu’il est fortement déconseillé voire impossible de développer simultanément plusieurs startups, du fait de la charge de travail requise et de l’exigence des investisseurs qui stipuleront contractuellement que vous et vos associés vous consacriez à 100% au projet d’entreprise qu’ils financent.

On trouve là encore des exceptions notables d’entrepreneurs comme Elon Musk, qui a créé et développé en parallèle plusieurs startups devenues des multinationales.

Se fier davantage à son instinct qu’aux études de marché

On a également tendance à alerter les entrepreneurs sur les dangers d’une approche trop impulsive en matière de création et de développement d’une startup. Pour importantes qu’elles soient, les intuitions doivent en effet être validées par un important travail de terrain pour confirmer les besoins des clients et la valeur de votre offre.

Là encore, des contre-exemples fameux existent, à l’instar de Steve Jobs, le cofondateur d’Apple. Mû par une culture exigeante du design et de l’innovation, ce dernier a souvent négligé les études de marché traditionnelles pour suivre son instinct. Dans le même registre, Richard Branson, cofondateur de Virgin Group, s’est également illustré par son aversion pour la planification excessive.

Quelle situation stratégique et quels objectifs personnels ?

Le rôle d’un enseignant en management va au-delà de la transmission de connaissances théoriques et de compétences pratiques. Il s’agit aussi de vous aider à penser et agir de manière critique et éthique.

Le succès entrepreneurial procède d’une combinaison complexe de facteurs et ce qui fonctionne pour certains ne garantit pas le succès pour tous. Chaque cas ou presque est un cas particulier et, à une question vaguement formulée, un professionnel vous invitera à clarifier vos objectifs et à préciser votre situation stratégique.

Un entrepreneur doit prendre des décisions dans un environnement incertain où foisonnent les injonctions paradoxales. C’est pour cela que nous recommandons d’acquérir des solides bases en management afin d’innover et prendre des risques en connaissance de cause. Pour autant, les conseilleurs sont rarement les payeurs et vous pouvez parfaitement faire fi de certaines conventions que l’on peut analyser comme des mécanismes dominants de production de la confiance.